par Drew Carleton, entomologiste, Direction de la gestion des forêts, ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick

Si vous suivez le site Web du Partenariat pour une forêt en santé et nos efforts pour élaborer et mettre à l’essai une stratégie d’intervention précoce pour la tordeuse des bourgeons de l’épinette et en surveiller l’efficacité, vous avez probablement rencontré dans nos billets le terme « phéromone », et vous vous demandez peut-être de quoi il s’agit exactement et de quelle façon les phéromones sont utilisées. La réponse à la première question est en fait assez simple… la vraie question est l’utilisation que nous faisons des phéromones – et c’est là qu’il faut posséder l’expertise nécessaire!

Les phéromones sont des substances chimiques produites et émises par des organismes (dans ce cas-ci, le papillon adulte femelle de la tordeuse), substances qui génèrent une réaction chez d’autres organismes de la même espèce. Il existe de nombreux types différents de phéromones; certaines provoquent une attraction, d’autres signalent qu’il est préférable de ne pas s’approcher, d’autres encore servent à avertir d’un danger. La phéromone qui nous intéresse dans le cas de la tordeuse des bourgeons de l’épinette est une substance attractive qui favorise l’accouplement. Elle est produite dans une petite glande de l’abdomen de la femelle. Lorsqu’elle est prête à s’accoupler, la tordeuse libère la phéromone dans l’atmosphère, signalant ainsi sa présence pour aider les partenaires potentiels à la trouver. Les mâles détectent le signal à l’aide de leurs antennes et le suivent jusqu’à la source. Une fois accouplée, la femelle est prête à pondre des œufs fertilisés, qui éclosent et créent la prochaine génération de tordeuses.

On connaît depuis longtemps l’utilisation de phéromones par les insectes. Cela prend des écologistes chimiques hautement spécialisés pour identifier, puis reproduire la composition, la configuration et les concentrations chimiques qui se trouvent dans la phéromone naturelle. L’objectif est de créer une version synthétique qui servira à générer la même réaction chez l’insecte cible. Ce processus prend souvent des années et des milliers d’insectes, de l’équipement coûteux très sophistiqué et des connaissances très pointues pour savoir quoi chercher dans la structure chimique afin d’en arriver au bon mélange. Lorsque toutes les structures sont correctement identifiées puis réassemblées au moyen d’essais biologiques complexes menés en laboratoire, les résultats parlent d’eux-mêmes, car les insectes sont alors attirés par la phéromone créée en laboratoire.

Une fois qu’on a réussi à reproduire la phéromone en laboratoire, l’une des premières choses à faire est de mettre au point un appât. Il existe de nombreuses formes et grandeurs d’appât (voir l’image ci-dessus), mais leur fonction est toujours la même, soit une libération lente de la phéromone dans l’air environnant durant une certaine période.

Le taux de libération et la durée dépendent de plusieurs facteurs, y compris la température, l’humidité, le volume de phéromone dans l’appât et la stabilité des composés de la phéromone.

Le taux de libération et le volume de phéromone dans les appâts placés dans des pièges et utilisés dans les programmes de surveillance sont calculés de façon à durer toute la saison de vol du papillon de la tordeuse. Les résultats de la collecte des papillons fournissent des indications sur la population à l’intérieur d’une zone forestière donnée.

Dans certaines situations, les phéromones sont aussi utilisées pour procéder à un piégeage de masse. On déploiera alors une dose plus forte ou un réseau plus large d’appâts. La troisième utilisation des phéromones dans notre projet de stratégie d’intervention précoce, qui est la plus courante, est de mettre à l’essai leur potentiel de perturbation de l’accouplement, car il devient alors difficile pour les papillons mâles de la tordeuse de trouver des papillons femelles durant la période de l’accouplement, ce qui a pour effet de réduire la taille de la population. Pour ce faire, on traite la région entière avec la phéromone, ce qui submerge le signal de la femelle. Pour ce faire, au lieu d’utiliser des appâts, nous plaçons la phéromone dans de petits flocons secs (1/32” x 3/32”), qui sont dispersés sur les forêts par voie aérienne à l’aide d’un aéronef.

Consultez le rapport de Peter Silk pour comprendre l’utilisation des phéromones dans le projet de recherche sur la stratégie d’intervention précoce.