La tordeuse des bourgeons de l’épinette est de plus en plus présente au Nouveau-Brunswick et des équipes de forestiers et de scientifiques tentent de tout faire pour empêcher une infestation de se produire chez nous.
Le compte à rebours est commencé, la bestiole se multiplie déjà à un rythme alarmant.
Une infestation a d’ailleurs ravagé un territoire plus grand que le Nouveau-Brunswick au cours des dernières années, au Québec.
Alors que l’industrie forestière demeure le coeur de l’économie de la province, l’inquiétude plane. Des images catastrophiques de l’infestation des années 80 refont surface dans la tête de ceux qui l’ont vécue.
Qu’est-ce que la tordeuse des bourgeons de l’épinette?
La tordeuse des bourgeons de l’épinette est une petite chenille brune. Elle est considérée comme l’insecte le plus nuisible dans l’est du Canada. La chenille se nourrit des épines des épinettes et des sapins ainsi que des bourgeons. Au mois de juillet, la tordeuse des bourgeons de l’épinette se transforme en papillon pour ensuite s’accoupler et aller pondre jusqu’à 200 oeufs par femelles dans les conifères.
Un cycle de 35 ans
Pour des raisons qui ne sont pas encore claires, les infestations de tordeuse des bourgeons de l’épinette ont lieu tous les 35 ans. Les scientifiques étudient toujours à l’heure actuelle les facteurs derrière cette forme de régénération naturelle de la forêt, qui coûte des milliards de dollars à l’industrie forestière.
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En 1975, une infestation de la tordeuse a entraîné la défoliation de 5 millions d’hectares de forêts au Nouveau-Brunswick.
Depuis 2013, une infestation dans la région de Baie-Comeau fait rage au Québec. Les papillons ont traversé le fleuve Saint-Laurent pour s’installer en Gaspésie et dans la vallée de la Matapédia, à seulement quelques kilomètres de la frontière avec le Nouveau-Brunswick.
Au cours des deux dernières années, des équipes de scientifiques néo-brunswickois et québécois surveillent de près la progression de l’infestation. Des « points chauds » ont été identifiés dans la région de Campbellton et de Dalhousie.
L’industrie forestière et l’arrosage
Les pertes potentielles en cas d’infestation sont évaluées entre 4 et 7 milliards de dollars sur 40 ans au Nouveau-Brunswick, où l’industrie demeure au coeur de l’économie. La forêt emploie 11 900 personnes au Nouveau-Brunswick. Les géants comme J. D. Irving surveillent donc la situation de près.
« C’est rendu à une superficie plus grande que tout le Nouveau-Brunswick, qui est sept millions d’hectares, explique l’ingénieur forestier Jason Killam. Alors ce n’est pas juste que c’est plus grand, c’est plus proche. »
Jason Killam ajoute que personne ne veut revoir des épisodes d’arrosage semblables à ceux des années 80.
Les autorités avaient arrosé 60 % du territoire forestier de la province pour tenter de limiter les dégâts.
Aujourd’hui, au coût de 80 $ par hectare, l’industrie souhaite contenir l’infestation en continuant de cibler et d’arroser les points chauds.
La stratégie néo-brunswickoise contre la tordeuse
Les scientifiques fédéraux et provinciaux pensent avoir trouvé la solution pour empêcher l’infestation cette fois-ci, mais il faut agir vite.
En collaboration avec l’industrie, ils ont arrosé des secteurs bien spécifiques dans le nord de la province déjà affectés par la tordeuse.
« On a une nouvelle stratégie cette fois-ci, lance le forestier du Service canadien des forêts, Bernard Daigle. Dans le passé, on traitait les populations une fois qu’elles étaient rendues au stage épidémique. Cette fois-ci, on a ce qu’on appelle une stratégie d’intervention précoce. »
La stratégie est donc d’agir avant que la tordeuse mange les épines des arbres pour les affaiblir et, à terme, les tuer.
« Une fois arrivée, la tordeuse peut s’étendre sur plusieurs milliers d’hectares par année. Il pourrait donc avoir une épidémie dans 3 ou 4 ans », lance Rob Johns.
Cette carte du nord du Nouveau-Brunswick indique en rouge les secteurs touchés jusqu’à maintenant par la tordeuse des bourgeons de l’épinette.
Une stratégie forestière à revoir?
Le Groupe Savoie, qui exploite les feuillus, du bois franc qui n’est pas attaqué par la tordeuse, ne s’inquiète pas trop pour ses activités.
Le vice-président ventes et développement de l’entreprise, Jonathan Levesque, est convaincu que si le gouvernement avait misé sur une stratégie forestière plus diversifiée, la menace de la tordeuse serait moins inquiétante pour des joueurs comme J. D. Irving.
« Le problème de la tordeuse devient encore un peu plus gros en ratio avec l’importance de cette industrie-là au Nouveau-Brunswick, explique-t-il. Dans le bois mou, c’est plus un genre de monoculture. L’impact est beaucoup plus drastique pour ceux-là dans cette industrie-là. […] L’arrosage pour la tordeuse devient [alors] quasiment une nécessité. »
Jonathan Levesque explique qu’en exploitant diverses essences d’arbre, les risques sont moins grands.
« Avec la diversification des produits qu’on a faits au cours des années, s’il y a une essence qui est attaquée, au moins on en a d’autres qu’on peut continuer à développer et [faire] croître notre chiffre d’affaires et créer de l’emploi », lance-t-il.
L’industrie espère que les efforts ciblés actuels réussiront à prévenir l’infestation de la bestiole au Nouveau-Brunswick.
Mais le géant forestier J. D. Irving voit encore plus loin. Il se prépare depuis déjà une quinzaine d’années aux prochaines épidémies.
En collaboration avec l’Université Carleton, il a développé un endophyte, une sorte de champignon résistant à la tordeuse.
Cent millions d’arbres ont été traités avec ce champignon pour ensuite être plantés en forêt.
« Traiter ça quand qu’ils sont jeunes de même, à la pépinière avec le champignon naturel, c’est beaucoup moins cher qu’avoir des avions et d’arroser », explique Jason Killam.
Reste à voir si cette prochaine génération d’arbres résistera au cycle épidémique de la tordeuse des bourgeons de l’épinette.